mardi 4 juin 2013

Chatter avec mon professeur

Aujourd’hui j’ai fini mon cours de philosophie un peu tard. Le professeur très consciencieux a jugé nécessaire de nous retenir en classe pour terminer le chapitre entamé étant entendu que les examens approchent et que les grèves interminables, tantôt des élèves, tantôt des enseignants eux-mêmes, ont fini de torpiller le quantum horaire.
Je suis arrivé à la maison au crépuscule.
Dring ! C’est mon téléphone qui sonne : c’est un nouveau message ; Je ne connais pas ce numéro néanmoins j’ouvre la boite de réception et je lis :
- Bsr, té b1 arrivée ?
Moi :- wi, merci. C ki ?
- ah tu coné pas ce numéro ?
Moi :- Non
- C Mr Diop
Moi :- Mr Diop ? mon prof de philo ?
- wi. Tu en coné dotre ?
Moi :- ah ok je vois. Merci de tinkiéter. S8 b1 arivé
- tu m mank
Moi :- Merci
- c tt ce k tu répds ?
Là je prends mon temps ; je pose mon téléphone sur le lit et je me laisse tomber sur ce dernier. Les yeux rivés sur le plafond, je reste pensive. Que me veux Mr Diop ? Celui que j’estime beaucoup et pour qui je suis prêt à suivre tous les conseils ; n’importe lesquels.
Dring ! Un autre message : - tu réponds pas ? Sache k j tm et k j n cesse de penser à toi.
Celui là je l’ai reçu comme un coup de massue. 
Que faire ? En parler à Papa ? Non ! Lui ne m’écoute jamais. Il a toujours dit tout haut à celui d’entre nous qui osait l’interpeller : « taloumala ! » (Je n’ai pas ton temps !)
Maman ? Elle aussi non ! Elle ne se concentre que sur son commerce.
A dire vrai, je n’ai aucune connexion avec mes parents. Ils nous logent, nous habillent, nous nourrissent et Basta !
Dring ! Un autre message de Mr Diop : - bne n8 et rêve de moi !
Je ne réponds toujours pas ; je me dis qu’il s’est trompé. Je m’affaire, je dors et j’oublie.
Le lendemain, je retourne à l’école, la peur au ventre. Fasses Dieu que Mr Diop ne vienne pas à l’école.
Dans la cour, je le cherche des yeux ; je regarde partout, les coins et les recoins.
- Bonjour me susurre une voix dans le creux de l’oreille.
Je sursaute ! C’est lui, Mr Diop.
- Bonjour, lui répondis je.
- Je vais être clair avec toi Mademoiselle, je t’aime et je veux sortir avec toi. Tu peux refuser mais ton refus sera synonyme de coup d’arrêt pour la poursuite de tes études. Je te donnerai un zéro pour tout travail que tu me présenteras et au Bac je ferai tout mon possible pour que tu ne réussisses pas. Réfléchis y ! Si toutefois tu es d’accord, retrouve moi chez moi cet après midi à dix huit heures.
Sur ce il presse le pas et entre dans la salle des professeurs me laissant plantée là ahurie.
A l’école aucune structure n’est mise en place pour gérer ce genre de problème et écouter les élèves qui sont dans ce genre de situation.
Dois je aller à ce rendez vous ? Non ! Je n’irai pas. Mais si je m’y rends pas il va ruiner mon avenir ; il l’a bien dit. Quel dilemme pour un élève de mon âge !
Je vais en classe et je suis calmement mes cours. Si je pouvais arrêter le temps jamais 18 heures ne sonneraient. Dommage je n’ai pas ce pouvoir.
A 18 heures, je me rends chez le prof toute inquiète. J’entre dans sa chambre et je le trouve en petite tenue. Mon sang ne fit qu’un seul tour. Je n’ai jamais vu celui que je déifiai dans cet accoutrement même dans mes rêves les plus fous.
- Tu as peur de moi ? Mets toi à l’aise. Ici, je ne suis plus le professeur mais l’homme A. Diop.
Il entra dans sa cuisine et en ressortit avec un verre rempli de boisson qu’il me tendit. Je la bue d’un seul trait ; Ensuite plus rien.
Je me réveille et il fait déjà nuit. Je me rappelle de rien mais je constate que j’ai mal au bas ventre et que j’ai du mal à marcher.
A la maison motus et bouche cousue ; je ne pipe mot à personne.
Il en fut ainsi encore et encore. On se retrouvait chez lui et il usait toujours de son pouvoir de persuasion, de l’ascendance qu’il a sur moi qui suis son élève, pour me violer.
Il a tenu parole ; je n’avais plus besoin de travailler récolter la meilleure note en classe. Mes camarades n’étaient pas dupes ; ils savaient bien qu’il se passait quelque chose entre le prof de philo et moi. Les plus pervers écriront sur tous les murs de l’école : « Mr Diop et F.D sortent ensemble ».
Moi cela ne me gênait plus : « yakhou na té Mr Diop moma yakh » !
Le jour des anticipés de philo approchait inexorablement et moi j’avais d’autres préoccupations : j’avais des nausées, des palpitations et la nuit je dormais pas. Je vomissais à tout vent.
Mon père, inquiet, s’en ouvra à ma mère qui ne sut apporter aucune réponse. Ils se décidèrent de m’amener chez le médecin pour une consultation.
Comme « Lou dé rék, khégne sou neubé » et « lou teuweu kham dafa yagoul », le médecin diagnostiqua une grossesse trois mois ; Déjà !
Comment est ce possible ? Qui en est l’auteur ?
C’est cette dernière question à laquelle je ne voulais pas répondre qui a fait sortir mon père de ses gongs :
- Fille fornicatrice ! Demain à la première heure tu quittes ma maison.
Ma mère, elle, ne cessa de pleurer et de se lamenter :
- Euy, louma déf Yalla ? (Qu’ai-je fait au bon Dieu ?)
Moi, je m’emmure dans un mutisme total sachant ce qui me reste à faire. La nuit, je me retire dans ma chambre et me mets sur ma table de travail afin d’écrire une missive à mes parents :
« Papa ! Maman !

Je sais que vous êtes très déçus par mon attitude et que jamais vous ne me
pardonnerez.
L’auteur de ma grossesse n’est rien d’autre que mon professeur de philosophie
Mr Diop. Cependant, je vous demande de ne pas aller le voir car il va nier ;
c’est un lache. Porter plainte contre lui ne changera rien ; il purgera sa peine et
sera élargi Au bout de cinq pauvres années sans pour autant que ma douleur 
ne s’estompe.
Racontez mon histoire aux enfants, aux jeunes pour qu’ils sachent et pour qu’ils
soient suffisamment armés contre ce genre de charognards.
Ensuite ouvrez vous à mes petites sœurs et frères pour qu’ils osent vous parler
leurs problèmes.
A Mr Diop, seul mettre ma mort sur sa conscience peut lui pourrir la vie et celle
de tous ceux de sa race qui ont investi nos écoles primaires, nos collèges, nos
lycées et même nos « daaras » (écoles coraniques) pour voler la vie à des
filles et garçons innocents avec une impunité déconcertante.
Je vous demande pardon de prendre sur moi la responsabilité de mettre fin à mes
jours cette nuit. Papa, demain je quitterai ta maison mais ce sera les pieds
devant.
Je vous aime. Embrassez mes frères et sœurs de ma part et prenez soin d’eux.
Adieu ».
Toi aussi tu peux faire quelque chose. Dénonce et combat ! 


Souleymane Amadou Ly
Julesly10@yahoo.fr
77 651 65 05

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