lundi 17 août 2009

Lettre d'hivernage


« Après la pluie le beau temps ! »


Chez nous ce n’est pas le cas : « Après la pluie c’est le sale temps ! »


J’habite guinao rails, niéti mbar, Jida Thiaroye kaw, Malika, Guédiawaye…j’habite la Banlieue.


Depuis 2003, nous vivons la galère : nous sommes inondés ; Nous avons de l’eau partout : dans la cuisine, le salon, les chambres, la cour… partout.


Pour dormir nous mettons nos lits en hauteur, sur des briques. Au réveil mes pieds plongent dans l’eau pour me rappeler la dure réalité mais « miss nako ! »


Dans nos chambres, les moustiques se régalent. Ils ont quitté les autres quartiers pour élire domicile dans les nôtres. Ici ils trouvent tout ce dont ils ont besoin pour s’épanouir : humidité, saleté et j’en passe.


Je ne cesse de me gratter et tout mon corps est couvert de boutons. Je suis toujours malade et j’en ai peur.


Chez moi les enfants se noient et meurent. Je n’ai plus d’amis avec qui jouer, sauter, gambader, rire…


Les deux amis que j’avais sont morts en voulant traverser la mare qui se trouve derrière. Imprudents vous dites ? Non ! Nous sommes des enfants.


Au début c’était marrant car on aimait pécher les poissons et patauger dans l’eau. Mais aujourd’hui nous en avons marre. « Dooy na seuk ! »


Beaucoup de nos voisins ont déménagé. Moi je n’ai où aller.


Je me rappelle que mon père fonctionnaire à la retraite a investi toutes ses économies dans la construction de cette maison. Il n’a plus rien !


Je le surprends très souvent entrain de pleurer son amertume loin des yeux indiscrets. La tristesse et la peur ont remplacé la joie et la fierté des premiers jours de notre arrivée ici : « Jaxlé na nu ! »


Même le Maire qui était censé vivre avec nous et partager nos joies et nos peines a déménagé vers un autre quartier, au sec. Est-ce cela la décentralisation ? « Yomb na daal ».


De temps à autre on nous distribue des sacs de riz et de l’huile comme si nous étions en famine. Nous n’avons pas faim, nous sommes inondés. Ne savez vous pas que nous n’avons même pas envie de manger car pour le faire le bol est posé sur un fût vide et tous les membres de la famille se mettent debout.


Je t’envie, toi, qui vit au sec ; toi, l’enfant de l’autre qui dispose d’un espace pour jouer, t’éclater, grandir normalement.


S’il est vrai que nous avons élu domicile sur la nappe phréatique, jamais le problème ne sera résolu car l’eau ne sera jamais complètement évacuée.


Travaillez à nous trouver ailleurs ! Construisez nous un réfectoire en hauteur où les familles peuvent se retrouver à l’heure du manger et savourer ces instants.


Toi qui vis au sec si tu veux savoir la chance que tu as, viens faire un tour chez nous !



Souleymane Amadou Ly


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7010 28580